L'antisémitisme du Hamas : la preuve par leurs propres mots

Helena Muzi Cohen, Nathanaël Uhl / Illustration : Julie B

Le Hamas est-il antisémite ? Le 7 octobre est-il un massacre antisémite ? Ces évidences ont été niées ces derniers mois par les groupes antisionistes, peut-être pour ne pas avoir à faire l’examen de leurs réactions aux massacres du 7 octobre. Héléna Muzi Cohen et Nathanaël Uhl se proposent ici de ne pas simplement admettre cette évidence, mais de la démontrer inlassablement, en revenant dans le détail aux textes fondamentaux et à l’idéologie des responsables du 7 octobre.

L’attaque perpétrée par environ 3 000 terroristes du Hamas et du Djihad Islamique, le 7 octobre 2023 dans le sud d'Israël, marquera à jamais le monde juif. Il s'agit du plus important massacre antisémite commis depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et la destruction des Juif·ves d’Europe. 

Cette opération, minutieusement planifiée, a causé la mort de près de 1 200 personnes, a fait plus de 3 300 blessé·es et s'est soldée par l'enlèvement de plus de 200 otages. Les victimes sont majoritairement des civil·es ciblé·es parce que juif·ves. Nous trouvons là une des caractéristiques des pogroms, massacre de Juif·ves visé·es parce que juif·ves.

Le 7 octobre a réactivé un traumatisme très ancien qui, depuis le pogrom d’Alexandrie en 38 de notre ère, a traversé les générations. L’antisémitisme, qu’en Occident on voulait croire presque éteint, a rejailli de plein fouet. Le Hamas en a assumé et revendiqué la responsabilité en premier lieu. 

Cette attaque, quoi qu'en disent un certain nombre de commentaires, est fondamentalement antisémite. Démontrer cette évidence est l’objet de cet article. Elle a en outre visé des kibbutzim connus pour leur engagement à gauche, en faveur de la paix et, particulièrement, pour la reconnaissance des droits des Palestiniennes et des Palestiniens. Elle est antisémite autant que l'idéologue du Hamas l'est, ce que nous allons tenter de démontrer.

Le Hamas (« harakat al-muqâwama al-islâmiya », que l’on peut traduire par « mouvement de résistance islamique ») est une organisation terroriste islamiste palestinienne fondée en 1987 avec, pour mission déclarée, la destruction d'Israël, nommée « l’entité sioniste » — comme si ne pas nommer Israël par son nom impliquait, de manière performative, sa disparition —, et le meurtre des Juifs, comme stipulé dans sa charte de 1988. Sa doctrine islamiste l’éloigne de l’organisation de libération de la Palestine (OLP) qui s’inscrit dans une perspective séculière essentiellement nationaliste arabe avec des apports marxistes.

Le Hamas exprime son objectif à travers des déclarations publiques qui se traduisent par des actes de violence répétés contre les civils israéliens. 

Il n’aura pourtant pas fallu longtemps pour que certains commentateurs remettent en question la nature antisémite des attaques du 7 octobre 2023. En dehors du connu « acte de résistance », le Hamas en tant que tel n’aurait, selon ces personnes, pas pour vocation d’exterminer le peuple juif mais de démanteler Israël. Cette nuance permettrait de considérer le Hamas non comme une organisation antisémite par essence mais « antisioniste » et « anticolonialiste ». Peu importe, d'ailleurs, si la destruction de l'État d’Israël engendre une nouvelle diaspora dans un contexte marqué par une très forte montée de l'antisémitisme au niveau mondial.

Cette nuance nous parait dangereuse et infondée car, reposant sur des socles fragiles, elle nourrit également l’idée selon laquelle l’antisémitisme serait exagéré et instrumentalisé. L'instrumentalisation existe, notamment au sein des cercles d'extrême droite, mais cette généralisation est néanmoins sujette à caution, comme nous allons tâcher de le mettre en lumière. 

La Charte de 1988 : un condensé antisémite

Pour saisir la nature profondément antisémite du Hamas, il convient de revenir à son texte fondateur : la charte de 1988. Rédigée en grande partie par le fondamentaliste proche des Frères musulmans Cheikh Ahmed Yassin, fondateur et leader spirituel, jusqu'à sa mort, de la milice militante à Gaza, ce texte présente à la fois l’idéologie et la philosophie religieuse du Hamas. 

Il se décline en trente-six articles répartis en cinq chapitres.  Avec sa publication le 18 août 1988, le mouvement islamiste décline ses objectifs.

Dès son article 7, les choses sont claires : « L’Heure ne viendra pas avant que les musulmans n’aient combattu les Juifs (c’est à dire que les musulmans ne les aient tués), avant que les Juifs ne se fussent cachés derrière les pierres et les arbres et que les pierres et les arbres eussent dit: “Musulman, serviteur de Dieu ! Un Juif se cache derrière moi, viens et tue-le.” »

Les familiers de la culture islamique reconnaissent dans ce paragraphe un hadith, une parole attribuée au prophète Mahomet. Les hadith constituent le second pilier théologique de l'Islam après le Coran. Plutôt que de le resituer dans un contexte historique (le rejet de Mahomet par les Juif·ves de Médine alors qu'il comptait sur leur soutien face aux mécréants), le Hamas, à l'instar des autres mouvements fondamentalistes musulmans, a choisi d'en faire une lecture littérale, quitte à s'éloigner de l'esprit des textes saints de la religion islamique. 

En cela, le Hamas se situe dans un héritage antijudaïque, c'est-à-dire un rejet fondamental des Juif·ves qui serait justifié théologiquement, comme les catholiques ont justifié leur judéophobie par l'accusation de déicide (les Juif·ves seraient les assassins du Christ). Ces bases réputées religieuses sont un des soubassements de l'antisémitisme.

Il convient de relever que la citation de ce hadith particulier relève d'un choix politique. Comme tous les textes religieux, les sunna (recueils de hadith) se contredisent. Une autre parole recueillie auprès du prophète Mahomet spécifie ainsi : « Celui qui fait du mal injustement à un juif ou à un chrétien me trouvera en adversaire le jour du jugement dernier. »

La question politique est, très certainement, au cœur du choix effectué par les rédacteurs de la Charte de 1988. Cette dimension confère une dimension antijudaïque  et, très rapidement, antisémite au texte fondateur du Hamas.

À ce stade, il convient de différencier l’antijudaïsme, basé sur des textes religieux et inscrit dans un temps long, et l'antisémitisme forgé à la fin du XIXe siècle. Citons les travaux de Stéphane François et notamment son livre Géopolitique des extrême-droites : « Le terme “antisémitisme”, forgé en 1879 par l’Allemand Wilhelm Marr, renvoit à l’ensemble des discours, croyances et pratiques qui, dans l’histoire, ont pour trait une hostilité à l’égard des Juifs, conçus dans un sens racial. [...] Ces auteurs essentialisent les Juifs européens en leur donnant des caractéristiques psychologiques et physiques (comme le nez crochu), qui seraient propres à leur “race” : haine du genre humain, exploiteurs, instincts vils, complotistes (Les Protocoles des Sages de Sion) et révolutionnaires, refusant de se fondre dans les populations locales, hostiles aux “Aryens”, etc. »

Revenons à présent aux mots du Hamas. L'article 22 de la Charte de 1988 définit ainsi le rapport aux Juif·ves de l'organisation : « Les ennemis ont amassé d'énormes fortunes qu'ils consacrent à la réalisation de leurs objectifs. À travers l'argent, ils ont pris le contrôle des médias du monde entier [...], ils ont financé des révolutions dans le monde entier [...], pour détruire les sociétés et promouvoir les intérêts du sionisme. »

Ces clichés antisémites constituent une reformulation quasiment mot pour mot de ceux que l'on retrouve dans les célèbres Protocoles des sages de Sion. Tout y est : le juif contrôlerait l'argent, les médias, pousseraient les populations non juives à se déchirer…

Il ne s'agit pas d'un hasard puisque la charte du Hamas se réfère explicitement au faux créé par la police secrète du Tsar russe à la fin du XIXe siècle. En témoigne son article 32 : « Le plan sioniste n'a aucune limite ; après la Palestine, ils veulent s'étendre du Nil jusqu'à l'Euphrate. Dès qu'ils ont occupé un espace, ils regardent vers un autre, conformément au plan qui apparaît dans Les Protocoles des Sages de Sion. »

Le Hamas convoque les Protocoles des Sages de Sion

Dès sa fondation donc, le Hamas appuie sa vision politique sur un texte violemment antisémite, reconnu comme tel, utilisé et cité par les nazis. Le pamphlet se compose de vingt-quatre Protocoles (qui sont autant de chapitres), qui seraient les minutes de discours prononcés lors des réunions d'une organisation juive universelle. Ce mélange de considérations générales et de mesures précises est censé tracer les lignes clé d’un programme de domination du monde.

Diffusés pour la première fois en 1903 dans une revue d'extrême-droite russe, les Protocoles des sages de Sion ont bénéficié d'une exposition mondiale après la révolution bolchévique d’octobre 1917. Les opposants à la révolution s'en sont servi pour étayer la thèse d'un « complot judéo-bolchévique ». 

Peu importe que, dès 1921, le quotidien britannique Times dévoile les mécanismes de ce faux qui a repris et adapté un pamphlet anti Napoléon III (Dialogue aux enfers entre Machiavel et Montesquieu). 

L'antisémitisme du Hamas s'inscrit donc dans une tradition ancienne de haine et de persécution des Juifs. Il est alimenté par des mythes, des stéréotypes et des théories du complot visant à dépeindre les Juifs comme des êtres malveillants responsables des maux du monde.

La charte fondamentale du Hamas décline cette vision au fil de ses articles : « … tu trouves [les ennemis] sans cesse sur la brèche dans le domaine des médias et des films […] [Ils agissent] par l’intermédiaire de leurs créatures membres de ces organisations sionistes aux noms et formes multiples, comme la franc-maçonnerie, les clubs Rotary, les sections d’espionnage, etc., qui toutes sont des nids de subversion et de sabotage » (Article 17) ; « Grâce à l'argent, ils règnent sur les médias mondiaux, les agences d'informations, la presse, les maisons d'édition, les radios, etc. » (Article 22).

Enfin, on peut retrouver le recours antisémite à la description des Juif·ves en animaux. En témoigne cet extrait d'un prêche prononcé en avril 2023 par Hamad Al-Regeb, un responsable du Hamas. Priant pour « l'anéantissement » et la « paralysie » des juifs, il les décrit comme des animaux : « [Allah] les a transformés en animaux immondes et laids comme des singes et des porcs à cause de l'injustice et du mal qu'ils avaient causés ». Le choix du porc est signifiant, puisqu’Al-Regeb sait parfaitement que, tout comme dans le Coran, cet animal est considéré comme impur par la religion juive.

La charte révisée de 2017, pour un Hamas « politiquement correct » ?

En 2017, le Hamas a publié un nouveau texte, baptisé Document de politiques et de principes généraux. Il n’abroge pas la Charte fondamentale de 1988, présentée à cette occasion comme « un texte de son temps ». Le co-fondateur de l'organisation islamiste, Mahmoud al-Zahar, a bien précisé que la charte de 2017 « ne se substitue pas » au texte de 1988. 

La « rupture », si on accepte ce terme, tiendrait à ce que le Hamas reprenne la revendication d'un État palestinien dans les frontières de 1967, dans le cadre d'un « consensus national palestinien », d'un côté ;  et à ce que son combat ne vise pas les Juif·ves en tant que juif·ves mais les « sionistes », de l’autre. 

Ainsi, le Document de politiques et de principes généraux affirme : « Le Hamas estime que le problème juif, l’antisémitisme et la persécution des Juifs sont des phénomènes fondamentalement liés à l’histoire européenne et non à l’histoire des Arabes et des Musulmans ou à leur héritage. Le mouvement sioniste, qui a pu avec l’aide des pouvoirs occidentaux occuper la Palestine, est la forme la plus dangereuse de l’occupation colonialiste qui a déjà disparu du reste du monde et doit disparaître de la Palestine. »

Cette affirmation - « l’antisémitisme et la persécution des Juifs sont des phénomènes liés à l'histoire européenne » - est extrêmement  étonnante, pour le moins, au vu du poids des sources européennes de l'antisémitisme auxquelles est abreuvée la Charte de 1988, comme nous venons de le mettre en lumière. Il convient de rappeler, dans ce cadre, les succès attestés par plusieurs articles de presse (Le Point, Le Monde, Le Journal du Québec, entre autres) en termes de vente, en Cisjordanie et dans la bande de Gaza contrôlée par le Hamas, des Protocoles des Sages de Sion mais aussi de Mein Kampf. La diffusion de copies y compris pirates dans les rues palestiniennes et plus généralement du Maghreb et du Proche-Orient est inscrite dans le temps. La destruction des Juif·ves d’Europe y est souvent présentée comme un mythe pour justifier l'existence d’Israël.

Pour revenir au document le plus récent, il convient de relever qu'il précise, de manière contradictoire en apparence, que la « libération complète du peuple palestinien » porte sur la « libération du fleuve à la mer ». Exit le « respect des frontières de 1967 ». Le but de destruction de l'État d’Israël est donc maintenu et renouvelé mais en creux.

Et, s'il fallait de nouvelles confirmations, elles sont dans l'article 2 du texte de 2017. « La Palestine, qui s’étend du Jourdain à l’Est à la Méditerranée à l’Ouest et de Ras Al-Naqurah au Nord [Rosh HaNikra, dans le nord d’Israël, ndlr] à Umm Al-Rashrash au Sud [Eilat, dans le sud d’Israël], est une unité territoriale intégrale. C’est la terre et le foyer du peuple palestinien. L’expulsion et le bannissement du peuple palestinien de sa terre et l’établissement de l’entité sioniste sur celle-ci n’annulent pas le droit du peuple palestinien sur l’ensemble de sa terre et ne confèrent aucun droit à l’entité sioniste usurpatrice sur celle-ci.»

Une fois encore, Israël est considéré comme un État non légitime, malgré la reconnaissance internationale et les résolutions de l’organisation des Nations Unies. Le Hamas en nie, de surcroît, l'existence en refusant de citer Israël par son nom.

Si le texte précise que le Hamas ne combat pas les Juif·ves pour leur religion mais pour l'occupation de la Palestine, ses dirigeants ne font pas autant de distinction. 

Le 25 février 2016, sur al-Aqsa TV, Yunis al-Astal, membre du Hamas et du Conseil législatif palestinien, déclare : « Les juifs ont corrompu les peuples européens. C’est pourquoi l’Europe a voulu s’en débarrasser [...] Il incombe à la Palestine bénie de mener le djihad, afin de débarrasser le monde de la malfaisance des juifs. » On retrouve là, en creux, l'écho du texte (alors en construction) qui va affirmer que « l'antisémitisme et la persécution des Juifs sont des phénomènes essentiellement européens ».

Le 20 juillet 2019, sur al-Aqsa TV, Fathi Hammad, membre du bureau politique du Hamas, lance: « Il y a des Juifs partout ! Nous devons attaquer tous les Juifs de la planète Terre – nous devons les massacrer et les tuer, avec l'aide d'Allah. Assez d’échauffement ! » Il ne parle pas des occupants juifs de la Palestine mais bien des Juif.ves dans leur ensemble.

C'est dans ce cadre qu'on doit apprécier les propos qu'il tient deux ans plus tard, le 7 mai 2021, toujours sur al-Aqsa TV : « Nous voulons que vous coupiez la tête des Juifs avec des couteaux. » Il s'agit encore de viser les Juif·ves de manière indifférenciée sur toute la planète. Nous ne sommes plus dans le cadre de la lutte contre les sionistes mais dans celui d'un antisémitisme d'extermination.

In fine, l'attaque du 7 octobre 2023 a tranché les conflits d'interprétation sur la nature du Document de politiques et de principes généraux. Ce ne sont pas les occupants qui ont été ciblés mais les Juif·ves en tant que tel·les. 

La violence des massacres du 7 octobre, la généralisation des viols et des tortures, qui renvoient au pogrom de Kichinev en 1903, pose la question suivante : le fait que le « colonisateur » (selon les termes du Hamas) soit juif donne-t-il une dimension singulière à la lutte menée par l'organisation islamiste ? Ou, plus simplement, les formes de lutte choisies par le Hamas seraient-elles différentes si « l'occupant » n'était pas juif ?

Nous proposons un début de réponse. Le sionisme a permis aux Juif·ves vivant dans des territoires de culture dominante musulmane de sortir de la « dhimmitude », cet état de subordination qui a marqué la place des Juif·ves en terres d’Islam depuis le début de l'expansion islamique. Tolérés la plupart du temps, lorsqu'elles respectent les règles, les communautés juives deviennent un ennemi lorsqu'elles s’en émancipent. Cette émancipation marque en effet une rupture fondamentale avec l'âge d'or de l’Islam (une période allant du VIIIe au XIIIe siècle). La puissance du jeune État d’Israël, puissance affirmée en un temps historique extrêmement court (pas encore 80 ans) peut justifier cette haine spécifique envers les Juif·ves qui marque l'idéologie du Hamas.

Le Hamas une idéologie d'extrême-droite islamiste

Le texte de 2017 contient très peu de références religieuses. Mais c'est encore en creux qu'il convient de le lire, comme le souligne le chercheur Jean-François Legrain qui a travaillé sur les textes de 1988 et 2017. Ainsi, l'article 8 du Document de politique et de principes généraux de 2017 précise que le Hamas conçoit l'Islam comme « couvrant tous les aspects de la vie ». Cette vision reprend le concept de chumûl développé par le fondateur des Frères musulmans Hasan al-Banna. Pour le Hamas, l'Islam a donc une vocation totalitaire dans le sens où, comme d'autres idéologies, il devrait couvrir la totalité des composantes de la vie. Cette dimension totalitaire, sans être un marqueur spécifique de l'extrême-droite puisque le système stalinien l'a également intégrée, se retrouve néanmoins dans toutes les incarnations historiques de l'extrême-droite au pouvoir : en Italie, en Allemagne, en Espagne, au Portugal…

Mais revenons à l'instrumentalisation totalitaire de l'Islam à des fins politiques qui marque l'idéologie et la pratique du Hamas. Après avoir pris le contrôle de la bande de Gaza en juin 2007, le Hamas a tenté de faire appliquer la charia, la loi islamique dans le territoire. Il a commencé par tenter d'imposer  le hijab aux femmes dans les tribunaux, les administrations et les écoles. Malgré des tentatives de résistance dans les premières années, l'islamisation des pratiques a gagné du terrain dans tout le territoire dominé par le Hamas. 

Si les femmes sont évidemment en première ligne, comme d'habitude avec l'extrême-droite, les autres minorités sociales sont également visées. Ainsi, l'homosexualité est totalement interdite dans la bande de Gaza. Elle y semble, dans les faits, passible de peine de mort. Ainsi, en 2016, Mahmoud Ishtiwi, un commandant du Hamas homosexuel, a été torturé et condamné à mort par ses anciens camarades du Hamas, et bien que les accusations d’homosexualité ne soient pas le fondement principal de leur condamnation, les accusations de « débauche morale » ont beaucoup joué dans cette exécution exceptionnelle et surtout dans la torture. 

Comme en Afghanistan, la musique est également visée par les militants du Hamas. Les magasins de musique ont été attaqués dès 2007, de même que les cafés internet. En 2010, le mouvement islamiste interdit un concert de hip hop, jugé « immoral ». La censure est généralisée. Sur ce point, enfin, il convient de mettre en lumière un autre point de convergence avec l'extrême-droite : l'embrigadement des enfants dès leur plus jeune âge. En soi, le contenu des programmes scolaires est problématique car orienté et privé de toute représentation alternative. Mais, au-delà, les organisations non gouvernementales ont tiré la sonnette d'alarme sur les camps d’été du Hamas. Les prêches y répètent en boucle que le juif est l’ennemi à abattre, entre autres choses. Les enfants y sont entraînés au combat, à l’enlèvement et au meurtre d’israéliens.

De fait, les marqueurs politiques clé du Hamas le définissent comme un groupe d'extrême-droite : oppression systématique des femmes ; rejet des minorités sexuelles, religieuses, politiques ; destruction des formes politiques d'opposition organisées ; intimidation et brutalisation des individus ne reconnaissant pas « l'État-régime »… C'est tout le rapport à l'autre qui est pensé comme une alternative du type « ou tu es comme nous, ou nous sommes légitimes à t’éliminer ». 

Toutes les doctrines d'extrême-droite intègrent, aux côtés de la défense de la « race » et/ou de la religion et de la lutte contre le communisme, l'antisémitisme comme dimension centrale. Dans son livre Géopolitique des extrême-droites, Stéphane François relève : « Dans les divers milieux d’extrême droite, on retrouve en effet une obsession antisémite anti-universaliste, qui peut être vue comme l’un des marqueurs importants de l’antisémitisme : le Juif forcément déraciné, quel que soit ses idées politiques, serait là pour détruire les peuples et les nations. Il serait une force néfaste, et presque sataniste… »

Il  faut  noter une évolution doctrinale sur le sujet. Comme le souligne Stéphane François dans son ouvrage récent L’antisémitisme, comme base des théories complotistes d'extrême-droite, alors que, dans l'après Seconde  Guerre mondiale, la tendance était à nier la destruction des Juif·ves d'Europe (ce qui est encore la position de fait du Hamas), de nouveaux idéologiques post-nazis assument désormais cette destruction comme « un mal nécessaire » face au risque de « génocide » qu’encourerait la « race blanche ». Aujourd'hui, une partie des thuriféraires du Hamas justifient, a posteriori, les massacres du 7 octobre 2023 par le « génocide » qui serait en cours à Gaza. 

Dans ce cadre, il nous paraît essentiel, pour lui même, que le camp de la gauche s'affranchisse du « campisme » qui marque son approche du Hamas et sorte d'un relativisme aux forts relents racistes qui expliquerait, en somme, que « le Hamas est la seule forme politique acceptable par les Palestiniens ». Certains militants européens de gauche tendent de facto à essentialiser le fait que la résistance palestinienne se limiterait au Hamas, parce que  le peuple palestinien serait incapable de se doter d'autres formes d'organisation pour faire advenir la légitime revendication d'indépendance de la Palestine. Forcément, les populations musulmanes seraient islamistes. On notera au passage que cette approche condescendante et paternaliste fait fi de soixante-dix ans d'histoire du mouvement palestinien en faveur de l'indépendance mais aussi et surtout elle fait fi de l'avis des Palestiniens eux-mêmes alors que se multiplient des manifestations hostiles au Hamas jusque dans la bande de Gaza. Enfin, cette approche ignore totalement la composante chrétienne des mouvements de libération comme le Front Populaire de Libération de la Palestine ou le Front Démocratique de Libération de la Palestine. Il faut cependant préciser que ces deux organisations ne se limitent pas à leur dimension chrétienne.

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