
daï ! #4
Vous avez dit : « Juif de gauche » ?
Nous revendiquons être des « Juifs de gauche », ici, à Daï. Idem pour Golem, qui signe chacun de ses communiqués du sceau de « juif de gauche ». La qualification mérite peut-être quelque clarification. Qu’est ce, au juste, qu’un·e juif·ve de gauche ?
À la veille du 7 octobre, la gauche juive semblait moribonde ; et les Juif·ves de gauche y taisaient leur judéité quand ils ne se conjuguaient pas tout bonnement au passé.
Dossier : les Juifs et la gauche
L’Émancipation des Juifs de France charrie depuis la fin du XIXᵉ siècle des préjugés tenaces : elle serait un cadeau piégé fait aux Juifs. Un penseur juif, né citoyen français en 1796, Joseph Salvador, y voyait au contraire non seulement un étau enfin desserré pour les Juifs de France mais l’aboutissement de la loi de Moïse. Le professeur de philosophie et par ailleurs ancien ministre socialiste Vincent Peillon lui a consacré un livre fouillé en 2022, Jérusalem n’est pas perdue. Nous l’interrogeons aujourd’hui, pour explorer ce que la République sociale et égalitaire — la gauche avant la lettre — doit au judaïsme.
Entré en politique au moment de l’affaire Dreyfus, Léon Blum est une des figures tutélaires du socialisme français. Longtemps minoré, on redécouvre aujourd’hui son judaïsme comme pierre angulaire de son engagement à gauche. En quoi son rapport au judaïsme est-il indissociable de son socialisme ? Celui-ci ne serait-il pas l’aboutissement même de son judaïsme ? Quelle place tient alors la lutte contre l’antisémitisme, et comment articule-t-il son sionisme avec ses convictions ? Nous avons interrogé Milo Lévy-Bruhl, président de la société des Amis de Léon Blum et auteur d’une thèse sur la doctrine socialiste de Léon Blum.
Il y a existé pendant longtemps un « secteur juif » au parti communiste français. Cela peut étonner aujourd’hui. Il ne s’agissait pas d’y circonscrire les Juifs, ni même de ne pas consciemment forcer les Juifs communistes à effacer leur judéité, plutôt de répondre à une réalité sociologique à la fin des années 20 : une part de la communauté juive immigrée était encore yiddishophone et très politisée à gauche, il fallait leur faire une place au sein du PCF. Zoé Grumberg publie en juin 2025 sa thèse Militer en minorité ? Le secteur juif du Parti communiste français après la Libération.
L’histoire des luttes progressistes aux États-Unis est jalonnée de figures de femmes, à la judéité souvent ignorée, et qui ont occupé une place centrale dans les combats pour la justice sociale, l’égalité et les droits civiques. De l’organisation de grèves ouvrières aux mouvements féministes radicaux, en passant par la lutte contre la ségrégation raciale, ces militantes juives ont su marqué l’Histoire.
Dans cet article, Johanna Lemler nous propose une plongée dans cet héritage de lutte et de solidarité, en retraçant l’influence de figures marquantes telles que Emma Lazarus, Clara Lemlich, Bella Abzug ou Gloria Steinem.
Une partie de la gauche se réclamant des théories post/décoloniales nées à la fin du XXᵉ siècle vont y puiser pour nourrir une critique sans nuance de l’Etat d’Israël de sa politique comme de son existence, n’hésitant pas à minimiser la gravité des massacres du 7 octobre et leur caractère antisémite. La chercheuse Alexia Levy-Chekroun analyse comment articuler une pensée véritablement décoloniale avec la lutte contre l’antisémitisme et l’émancipation des Juif·ves en France et ailleurs. Si les théories décoloniales ont servi de pretexte à la montée d’un certain antisémitisme, il existe néanmoins des moyens pour les juif·ves de les réinvestir. C’est cela qu’Alexia Lévy-Chekroun accomplit ici, en mettant en lumière la proximité historique, intellectuelle et religieuse entre pensée juive et décoloniale.
Pour ce nouveau numéro de Daï, nous offrons à nos lecteurs un aperçu de la réflexion de l’articulation entre gauche et judéité depuis Israël, où les catégories théologiques juives sont largement mobilisées dans la scène publique, et largement instrumentalisés dans l'arène politique. Dans son éditorial de Dorshei Tzedek, Benyamin Singer présente succinctement l’ethos qui anime cette nouvelle publication.
Au cours des dernières décennies, l'idée que le capitalisme — sous sa forme néolibérale — constituait l'horizon indépassable de l'organisation économique et sociale a été remise en question. Dans ce contexte, le socialisme refait surface dans les discussions publiques, y compris au sein des communautés juives.
Le rabbin Vincent Calabrese examine les visions du socialisme développées par deux figures du judaïsme orthodoxe, Simon Federbush et Isaac Breuer. Tous deux ont cherché, à leur manière, à inscrire la critique du capitalisme dans une perspective juive, en s’appuyant sur la Torah et la tradition rabbinique. À travers leurs réflexions, nous verrons comment le socialisme peut être le terreau d’une réponse juive aux injustices économiques, faisant écho à l'injonction divine : la justice tu poursuivras¹.
Ce numéro s’interroge d’abord et avant tout sur le rapport des Juifs à la gauche, mais nous ne pouvons faire l’économie de la réciproque, celui du rapport de la gauche aux Juifs. La question de l’antisémitisme de/à gauche est aujourd’hui devenue un lieu commun, depuis la mainmise de la France insoumise sur ce camp politique. Rivka DLB nous propose d’y réfléchir sur le temps long, en revenant à Marx, et nous offre une lecture critique de la Question juive de Marx de Robert Misrahi. L’antisémitisme qui prospère à gauche tient-il de sa lecture économique du monde et du fait juif ? Quelle préposition utiliser, antisémitisme « de » gauche ou « à » gauche ? Voilà ce à quoi elle se propose de répondre.
Salam, Shalom, Salut est un projet créé par SOS Racisme en 2018. De jeunes bénévoles au sein de l’association, d’horizons culturels variés, formés à la lutte antiraciste, à l’histoire des différentes migrations et des mémoires traumatiques, part faire un tour de France à la rencontre d’autres jeunes pour débattre et déconstruire les préjugés racistes qui circulent dans notre société. Le 11 février dernier, Mathilde Roussillat Sicsic recueillait les propos de Dominique Sopo, président de SOS Racisme, entouré de militants de l’association.
Jonas Pardo et Samuel Delor sont les co-auteurs du Petit manuel de lutte contre l’antisémitisme (Editions du commun, 2024). Il s’agit à la fois d’une synthèse historique qui permet de comprendre l’antisémitisme sur le temps long et d’une compilation organisée de propositions à destination du mouvement social. Leurs auteurs nous y apprennent à reconnaître les mécanismes antisémites souvent cryptés pour les combattre efficacement. Nous les avons interrogés pour Daï.