Les boulettes ont 70 visages

Lola Zerbib

Illustration : Mathilde Roussillat Sicsic

Mititei aux cornichons : les boulettes ont (au moins) 70 visages

Pour apprendre à connaître quelqu’un, lui demander quelle est sa recette préférée est une excellente porte d’entrée. En un plat ou deux on peut recueillir des indices sur ses goûts, son héritage culturel et ses habitudes de vie. Une simple assiette et on peut déjà déceler l’unicité d’une personne, parfois même la multiplicité de ses identités.

Dans cette première parution de Daï Mathilde, Lucie et Ivan ont conversé pour mieux se découvrir, raconter leurs rapports à leurs judéités et parler de leurs histoires familiales. Dans leurs assiettes on entrevoit de nombreuses histoires : Lucie évoque sa mère en parlant de la mloukhia tunisienne, un plat qui demande tellement d’investissement en cuisine qu’il est une preuve d’amour et de dévouement en soi. Mathilde cite la tchoutchouka, celle que d’autres appellent chakchouka, makbouba, shlada, salade de piments ou encore salade cuite. Ici, rien que le nom du plat pourrait servir de point de départ pour parler des rapports complexes qu’entretiennent les juif•ves d’Afrique du Nord avec les différentes facettes de leurs identités. Enfin Ivan lui a choisi de parler des mititei, et convoque en une boulette l’histoire méconnue et terrible des jui·ves de Roumanie (1).

C’est sur ce dernier plat que nous allons nous pencher, car quoi de mieux qu’une recette de boulette pour célébrer la naissance de cette revue ? On dit que la Torah et le judaïsme ont 70 visages, il y a certainement tout autant de recettes de boulettes. Chaque famille de la diaspora juive en a sa version, son propre mélange d’épices, sa forme (bien ronde, oblongue, aplatie, fourrée dans une carpe…), ses ingrédients. Une boulette c’est fait de plein éléments hétérogènes que l’on façonne à la main – tel un Golem de terre, pour former un ensemble délicieux.

Les mititei aussi appelés mici ou cevapcici s’apparentent à des saucisses sans boyau et ressemblent à de nombreux kebabs que l’on peut retrouver partout où l’empire Ottoman a laissé sa trace. D’après Ecaterina Paraschiv-Poirson (2), l’important pour faire de bons mititei c’est de mélanger plusieurs viandes, sa recette marie porc, agneau et bœuf et se déguste avec de la moutarde aigre-douce. Ivan, lui, les mange avec des cornichons au sel et on peut facilement imaginer que sa recette familiale se limite à un mélange de bœuf et d’agneau. 

La première version proposée ci-dessous est composée d’un mélange de bœuf et de veau, car l’important dans une recette de boulettes c’est de faire avec ce que l’on a et il se trouve que le boucher du coin n’avait pas le cœur à vendre de l’agneau. En somme, c’est une recette de mititei qui flirte avec celle du klops ! (3) Pour plus d’inclusivité et pour celles et ceux dont la réflexion sur l'éthique alimentaire va un peu plus loin que les règles classiques de la cacheroute, vous trouverez aussi une seconde version de la recette totalement végétalisée à base entre autres de lentilles et d’aubergine à la suite de la première. 

Ivan nous propose de déguster ces mititei avec des cornichons au sel et ça les sied à merveille, mais si l’envie vous prend d'ajouter votre touche personnelle, ça se marie très bien avec du raifort ou de l’harissa. Bon appétit !

Illustration : Mathilde Roussillat Sicsic

Mititei de bœuf et d’agneau

10 minutes de préparation, 2 heures de repos, 10 minutes de cuisson

Ingrédients pour une quinzaine de boulettes :

  • 200 g de bœuf haché 

  • 200 g de veau haché 

  • 1 oignon 

  • 3 gousses d’ail

  • Les feuilles de 2 branches de menthe 

  • 1 cuillère à soupe de coriandre en graines, passées au pilon

  • 1 cuillère à soupe de paprika

  • 1 cuillère à soupe de cumin

  • 1 cuillère à café de bicarbonate de soude 

  • 1 cuillère à café de sel

  • Quelques tours de moulin de poivre noir

  • De l’huile d’olive pour la cuisson 

1. Placez l’oignon et les gousses d’ail débités en quelques gros morceaux dans le bol d’un robot mixeur avec les feuilles de menthe. Mixez jusqu’à obtenir des morceaux d’oignons de quelques millimètres.

2. Mélangez la mixture que vous venez de créer aux viandes hachées avec l’ensemble des épices, le sel et le bicarbonate. Malaxez l’ensemble à la main pendant 2 à 3 minutes pour assurer une bonne tenue des boulettes et réservez au frais au minimum 2 heures.

3. Formez des boulettes en forme de petites saucisses dont l’épaisseur est d’environ de 2 de vos doigts. Note : si vous n’êtes pas sûr·es d’avoir bien dosé vos assaisonnements, faites cuire une première petite boulette et goûtez-la avant de toutes les mettre en forme.

4. Vous pouvez cuire les mititei sur un grill, une plancha ou dans une poêle bien chaude avec de l’huile d’olive. Faites-les griller sur toutes les faces en les tournant d’un quart de tour toutes les 2 minutes, c’est prêt !

Mititei d’aubergine et de lentilles

2 heures de trempage, 10 minutes de préparation, 30 minutes de cuisson

Ingrédients pour une vingtaine de boulettes :

  • 1 aubergine

  • 100 g de lentilles

  • 30 g de grosse semoule ou de boulgour

  • 30 g de sarrasin 

  • 1 oignon 

  • 3 gousses d’ail

  • Les feuilles de 2 branches de menthe

  • 1 cuillère à soupe de coriandre en graines, passées au pilon

  • 1 cuillère à soupe de paprika

  • 1 cuillère à soupe de cumin

  • 1 cuillère à café de bicarbonate de soude 

  • 1 cuillère à café de glutamate

  • 1 demi cuillère à café de sel

  • 2 cuillères à soupe de levure de bière en paillettes 

  • Quelques tours de moulin de poivre noir

  • Du sel

  • De l’huile d’olive pour la cuisson 

1. Au moins 2 heures avant de préparer la farce, faites tremper les lentilles, le boulgour et le sarrasin dans un grand bol d’eau.

2. Préchauffez votre four à 190°C. Découpez en quelques morceaux l’aubergine, l’ail et l’oignon et mixez-les à l’aide d’un robot mixeur jusqu’à obtenir une farce homogène. Égouttez les lentilles, la semoule et le sarrasin avant de les ajouter au bol du mixeur et de donner une nouvelle impulsion pour lier la farce.

3. Placez la farce dans un bol pour la mélanger avec l’ensemble des épices, le sel, le bicarbonate, le glutamate et la levure de bière. 

4. Formez avec vos mains des boulettes prenant l’apparence de petites bûchettes et disposez-les sur une plaque allant au four, préalablement chemisée de papier sulfurisé. Quand toutes les boulettes sont formées, arrosez-les généreusement d’huile d’olive avant de les enfourner pour 30 minutes de cuisson.

5. Au bout de 15 minutes de cuisson, retournez les boulettes pour qu’elles grillent bien de tous les côtés. Soyez délicat·es au moment de les retourner, à ce stade, la cohésion de la boulette est encore fragile, une pelle à tarte pourra vous aider à réaliser l’opération sans trop de risque. Quand c’est bien grillé, c’est prêt !

(1) https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/affaires-sensibles/affaires-sensibles-du-lundi-16-janvier-2023-6044830

(2) Son portait : https://www.lemonde.fr/le-monde-passe-a-table/article/2021/10/28/en-roumanie-j-ai-appris-a-sentir-a-cuisiner-a-faire-des-conserves-pour-ne-rien-jeter_6100233_6082232.html

(3) https://akadem.org/sommaire/themes/culture/cuisine/les-petits-klops-de-pessa-h-avec-paulette-bielasiak-03-04-2017-89486_4474

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